“Sapés comme jamais”. Vous connaissez bien sûr cette chansons de Maître Gims qui fait fureur dans les soirées africaines et congolaises. Mais connaissez-vous l’histoire de la sapologie ? Cette forme de dandysme et d’insoumission issue de la Société des ambianceurs des personnes élégantes, autrement dit la SAPE. Celle-ci a déjà une histoire riche de plus de 60 ans.
Le mouvement de la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) se développe au cours des années 1960 à Brazzaville et à Kinshasa. A l’époque, les jeunes Congolais décident de suivre le style vestimentaire de leurs maîtres coloniaux. Pour cela, dans le but d’adopter la mode des Parisiens. Le romancier et essayiste franco-congolais, Alain Mabanckou (à l’origine du documentaire Noirs en France diffusé sur France 2) dans l’ouvrage SAPE : Society of Ambianceurs and Elegant People d’Hector Mediavilla (2013), définit la SAPE de la façon suivante : “Si d’aucuns perçoivent la Sape comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères.”
Une accélération du mouvement dans les années 70
Au début des années 1970, le mouvement de la SAPE prend une dimension politique. Au Zaïre (actuel République Démocratique du Congo RDC), pays qui a connu son indépendance en 1960, une doctrine est imposée par le général Mobutu See Seko dès 1971. Cette doctrine nommée “l’abacost”, une abréviation de “à bas le costume”. Celle-ci ordonne d’arrêter le port du costume et de la cravate pour un veston d’homme.
Un peu plus tard, en 1976, un homme à tout faire du nom de Christian Loubaki, ouvre à Brazzaville, une boutique nommée La Saperie. Une boutique dans laquelle il habille un certain Papa Wemba, considéré comme l’un des artistes africains les mieux “sapés”, “Bien sapé, bien coiffé, bien parfumé”, disait-il dans sa chanson “Matebu” en 1979. Dans le même temps à Kinshasa, Stervos Niarcos (décédé en 1995) est considéré comme le “pape” de la SAPE. Il fonde la religion Kitendi qui signifie “tissu” en lingala.
La sapologie ou l’art de bien se vêtir
A Paris et au Congo, les sapeurs portent des costumes colorés, vêtements et accessoires de grandes marques. Le but est de paraître le plus élégant possible afin d’être visible aux yeux des gens. Les sapeurs portent notamment des costumes issus du dandysme bourgeois du XIXème siècle.
Au fil des années et à l’instar du regretté Papa Wemba (décédé en 2016), la SAPE a été popularisée par de nombreux artistes dont Maître Gims et Niska avec la chanson “Sapés comme jamais”, le clip parle d’ailleurs de lui-même. Mais aussi par la sœur de Beyoncé, Solange Knowles avec la chanson “Losing You”.
Actuellement, le mouvement de la SAPE est encore présent au Congo, en France mais aussi dans d’autres pays d’Afrique dont le Nigéria, le Kenya, le Bénin ou encore le Sénégal. Un mouvement qui n’est pas prêt de s’essouffler !
Crédit image en une : Tariq Zaidi.
Les 10 commandements du sapeur !
- Tu saperas sur terre avec les humains et au ciel avec ton Dieu créateur.
- Tu materas les ngayas (non connaisseurs), les nbéndés (ignorants), les tindongos (les parleurs sans but) sur terre, sous terre, en mer et dans les cieux.
- Tu honoreras la sapologie en tout lieu.
- Les voies de la sapologie sont impénétrables à tout sapologue ne connaissant pas la règle de trois, la trilogie des couleurs achevées et inachevées.
- Tu ne céderas pas.
- Tu adopteras une hygiène vestimentaire et corporelle très rigoureuse.
- Tu ne seras ni tribaliste, ni nationaliste, ni raciste, ni discriminatoire.
- Tu ne seras pas violent ni insolent.
- Tu obéiras aux préceptes de civilité des sapologues et au respect des anciens.
- Par ta prière et tes 10 commandements, toi sapologue, tu coloniseras les peuples sapophobes.
