Parité homme-femme : « Une discrimination positive doit être appliquée sur les femmes méritantes afin que la parité puisse avancer » Chantal KANYIMBO

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Dans l’univers des médias, c’est un modèle et une icône. Journaliste vedette de l’OZRT (Office zaïrois de radiodiffusion et de télévision) actuelle Radiotélévision Nationale Congolaise (RTNC).

Depuis l’époque Zaïre avec son émission-débat « Deux Sons de cloche », Chantal Martine Rosette Marie-Thérèse Kanyimbo, est détentrice de plusieurs distinctions dans sa profession, faisant d’elle le visage le plus connu de la télévision congolaise.

Première femme à occuper le poste de Président de l’Union Nationale de la Presse Congolaise (UNPC), l’actuelle Rapporteur du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) s’est confiée à ESIMBI magazine, dans son édition spéciale dédiée à la Femme.

Propos recueillis par Josué Ngoyi

Pourquoi avoir choisi de devenir journaliste ?

Il y a certainement un journaliste qui a dû m’impressionner depuis ma tendre enfance et qui m’a fait rêver de ce métier. Peut-être aussi les lectures que j’ai faites, parmi lesquelles un livre écrit par un reporter dans lequel il raconte ses voyages à travers le monde pour y couvrir les événements qui s’y déroulaient. Plus tard, au début de mes études de journalisme à l’ISTI (Institut Supérieur et Techniques de l’Information) actuel IFASIC (Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication), j’ai lu Joseph Pulitzer. Cette lecture a renforcé ma détermination à devenir journaliste. Etre journaliste, c’est être cet objecteur de conscience, cet empêcheur de tourner en rond, qui défend les causes justes et l’intérêt général. Etre journaliste, c’est donner l’information aux citoyens afin qu’ils demandent des comptes à ceux qui gèrent la Cité au nom de l’intérêt général.  Etre journaliste, c’est transmettre le savoir et ce savoir, c’est le pouvoir. J’aime ça.

Pourquoi avoir choisis la télévision ?  

Parce que le contact s’établit par le son et l’image, puis il se rapproche de la réalité vécue.

Comment avez-vous débuté votre carrière dans ce métier ?

Pour la petite histoire, j’ai commencé ma carrière à la télévision en faveur d’un concours de recrutement de téléspeakerines qui avait été organisé à l’OZRT (Office zaïrois de radiodiffusion et de télévision) actuelle RTNC (Radiotélévision Nationale Congolaise) alors que j’étais étudiante en deuxième année de graduat à l’ISTI. J’ai réussi à ce concours, cela m’a permis de suivre une formation pendant six mois au métier de Téléspeakerine assurée par des enseignants locaux, mais également des professionnels. J’ai exercé ce métier pendant que je poursuivais mes études de journalisme. En même temps, je me lançais dans le journalisme sportif. Puis, à l’obtention de ma licence, j’ai lancé ma carrière en journalisme politique.

Chantal Martine Rosette Marie-Thérèse Kanyimbo

À votre époque, quel modèle de journaliste féminin aviez-vous ?

Je vais vous surprendre : mes modèles étaient tous des hommes. Je ne pense pas qu’il faille nécessairement avoir comme référence des femmes quand on est femme et hommes, parce que vous l’êtes. Ce qui m’a inspiré, moi, c’est la manière de faire de mes deux modèles.

Quelle est la plus grande difficulté à laquelle vous avez fait face lors de vos débuts à la télévision ou même tout au long de votre fructueuse carrière de journaliste ?

Ecoutez, dans toute entreprise, il y a des difficultés. Ce qui compte, c’est la capacité qu’on développe pour les surmonter et aller de l’avant, vers les objectifs que l’on s’est assigné. Rien n’est jamais donné. Et puis, les difficultés, ce sont des expériences nécessaires à l’acquisition de la maturité professionnelle.

Pourquoi vous avez arrêté le Journalisme ?

(Rires). Je n’ai pas arrêté. Je suis en détachement au CSAC (Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication). L’exercice du métier est incompatible avec la régulation des contenus des médias. C’est juste une parenthèse que j’ai mise, pendant le temps où je suis membre de cette institution d’appui à la démocratie.

Quel effet ça fait d’être une des rares femmes références dans le domaine du journalisme télé en RDC ?

Une fierté d’avoir bien fait mon métier, fierté d’être restée professionnelle jusqu’au bout. Fierté d’en inspirer aussi d’autres, comme je l’ai été moi-même par mes modèles.

Que pouvez- vous donner comme conseil aux futurs femmes journalistes passionnées du métier qui, en vous prenant pour model, aimeraient devenir comme vous ? 

De rester professionnelles.

Il y a un mythe qui court en rapport avec les femmes journalistes qui sont traitées de légères. Que pouvez- vous dire aux jeunes femmes qui commencent dans les écoles de journalisme ?

Je pense que ce sont des à priori qui existent dans nos sociétés par rapport aux femmes à qui on préfère attribuer le rôle de femme au foyer et que l’on voit d’un mauvais œil, Celles qui se sont affranchies et ont décidées d’exercer un métier. On dira d’une femme Secrétaire qui voyage pour des raisons professionnelles avec son patron, qu’elle couche avec lui. Mais, s’il s’agit d’un homme, on trouve que c’est normal qu’il accompagne son patron dans ses voyages.

La légèreté des journalistes hommes, il y a en a et c’est rarement relevée. Mais, quand on observe de la légèreté chez une journaliste, la tendance est à la généralisation.

Que pensez-vous de la Parité homme-femme en RDC, Que fait lEtat pour et pensez-vous que la femme congolaise sy prend de la bonne manière pour la revendiquer ?

Je crois que la question de la parité est réglée par notre Constitution. Comme on en a parlé tout à l’heure, il y a beaucoup de plafonds de glace que notre société doit briser pour que les femmes soient affranchies du poids des traditions qui la limitent. Voyez-vous ! vous-même avez évoqué « la légèreté » dont on accuse les journalistes femmes, parce que l’on en a vu juste une faute, comme cela peut arriver à un journaliste homme, mais on fait vite de généraliser la faute alors qu’il ne s’agit que d’une seule personne ! Les mentalités doivent changer sur les préjugés que la société a sur les femmes, mais il est évident qu’une discrimination positive doit être appliquée sur les femmes méritantes afin que la parité puisse avancer.

Que pensez-vous des médias congolais, pourquoi cet énorme fossé avec ceux occidentaux ?

Il s’agit principalement de moyens économiques. Chez nous, on n’investit pas assez dans les médias, parce qu’ils sont plus considérés par ceux qui les créent comme des instruments de leur propre propagande, plutôt que comme un business.

Il est vrai aussi, qu’il n’existe pas un écosystème qui permette de construire une certaine prospérité pour les médias congolais. Une réflexion profonde pour changer cet état des choses a été menée aux Etats généraux de la communication et des médias. De nombreuses recommandations ont été adressées à l’Etat congolais, acteur principal de l’éclosion d’un écosystème favorable à l’épanouissement économique des médias congolais.

À la problématique de vendre une bonne image du pays à l’étranger, vous qui êtes membre dune structure nationale de contrôle de laudiovisuel, quels mécanismes le CSAC a mis en place pour sanctionner voire fermer ces chaînes qui, en émettant sur le satellite vendent une très mauvaise image du pays dans le monde. A linstar de Molière TV.  

Ecoutez, le CSAC a reçu du Législateur congolais un certain nombre d’attributions pour veiller à la qualité des contenus diffusés par les médias congolais qui doivent respecter la déontologie en la matière, mais ce travail doit se faire en cohérence avec le cadre légal et règlementaire. Mais, le Régulateur est souvent mis hors circuit et se retrouve en difficulté pour assurer ce contrôle des contenus.

Des Editeurs des programmes, le nouveau concept des chaînes audiovisuelles, selon le lexique de la Télévision numérique terrestre « TNT », sont placés dans le multiplex sans que le CSAC n’ait été consulté alors qu’il devrait être en principe la porte d’entrée pour le contrôle de la conformité des dossiers administratifs dont le cahier des charges édicté par le gouvernement pour l’exploitation dans le secteur audiovisuel.

J’espère qu’après la tenue des Etats Généraux de la communication et des médias, une harmonisation des attributions des entités de l’Etat sera organisée pour faciliter les tâches du Régulateur. En attendant, nous prenons des décisions, comme le Législateur nous le permet, mais là encore, il est bien souvent difficile de les faire appliquer par les instances habilitées à le faire.

Vous avez dirigé pendant plusieurs années une grande structure  de journaliste dénommée Union Nationale de la Presse Congolaise. Quest-ce qui a été le plus dure dans la gestion des problèmes des journalistes ?  

Le plus dur, c’était l’établissement du répertoire des journalistes professionnels. Malgré, la loi, l’entrée dans la profession, se fait comme dans le beurre ! Les dispositions de la loi fixant le statut des journalistes dans notre pays ne sont pas toujours respectées par les rédactions.

Pensez-vous être arrivé, avoir atteint tous vos objectifs ? si non, quest-ce qui vous manque ?

(Rires) Tant qu’on a le souffle de vie, on n’a pas encore fini de se fixer des objectifs !

Qui est Chantal Kanyimbo loin des projecteurs des institutions ?

Une femme qui est plutôt casanière et qui aime les choses simples de la vie.