Présidente du Festival "We Eat Africa", Anto Cocagne est cheffe cuisinière et animatrice de télévision pour canal + Afrique. Également traiteur à domicile, elle a récemment sorti son livre de recettes "Goût d’Afrique".
Parlez-nous de vous ?
Je suis très mal placée pour parler de moi. J’ai pour habitude de dire que, les meilleures personnes qui peuvent parler de nous, ce sont nos proches. La chose que je peux dire c’est que, je suis une cheffe de cuisine originaire du Gabon. J’exerce en France depuis 5 ans comme cheffe à domicile, consultante spécialisée dans les cuisines d’Afrique.
Quelles étaient vos rêves quand vous étiez plus jeune ? Comment est née votre passion pour la cuisine ?
Mon rêve était d’avoir un métier qui me permette de beaucoup voyager comme ma mère qui travaillait pour l’OMS. La passion pour la cuisine est née au fil des années, avec la curiosité. Je posais beaucoup de questions, et je constatais qu’on pouvait transformer un même produit juste en le travaillant/cuisinant d’une façon différente. Cela m’a obligé à m’intéresser à nos produits.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre travail, quelles sont les défis au quotidien en tant que femme et noire ?
Ce qui me passionne est qu’aucun jour ne se ressemble. Mes défis ne sont pas différents de ceux d’une femme d’une autre race. En tant qu’entrepreneure, il faut sans cesse se renouveler pour satisfaire ses clients, convaincre pour acquérir de nouveaux marchés, être toujours au top.
Pourquoi avez-vous choisi d’être chef traiteur à domicile ?
Il me fallait exercer un métier qui me permette d’être flexible et d’avoir des garanties. Le chef à domicile et le traiteur vendent avant de produire ce qui est beaucoup plus intéressant qu’un restaurateur qui lui produit avant de vendre.
Vous êtes fondatrice du festival "WE EAT AFRICA", comment est né le projet ?
Le projet est né en 2017 après avoir travaillé avec les Galeries Lafayette lors de leur campagne Africa Now. nous nous sommes rendu compte qu’il y avait quelque chose à faire pour faire la promotion des cuisines africaines et des professionnelles qui travaillent à la faire connaitre. Nous nous sommes rendu compte que le public parisien était prêt à découvrir nos produits, nos cuisines, nos établissements.
Parlez-nous de votre livre, "Gouts d’Afrique", pourquoi l’avoir écrit maintenant ? Est-ce votre premier livre ?
Ce livre était en projet depuis 2018, sauf que pendant 2 ans, il a été difficile de trouver une maison d’édition qui croit au projet. Avant "Goûts d’Afrique", depuis 2016 j’écrivais pour Afro-Cooking, le premier magazine des cuisines noires, des recettes de cuisine. J’ai collaboré également sur des ouvrages comme « Elles cuisinent » de Vérane Frédiani chez Hachette édition, ou « La cuisine du bonheur » publié en 2019, « les super pâtisseries du monde », publié en 2020 chez Mango éditions.
Être chef cuisinier africain en 2020 représente quoi pour vous ? quels en sont les enjeux ?
Être cuisinier, comme tout métier, c’est d’abord un métier de passion. Le chemin est encore long surtout concernant l’Afrique francophone. Les chefs africains anglophones sont plus en avance que nous, et savent faire la promotion de leurs cuisines mieux que nous les francophones.
Etes-vous mariée ? Avez-vous des enfants ? Avec toutes vos occupations et vos déplacements comment gérez-vous ces facettes de votre vie ?
Je suis mariée depuis presque 10 ans et je suis maman également. Pour gérer vie professionnelle et vie privée, il faut d’abord trouver le bon conjoint, qui croit en vous et comprend que si une femme est épanouie personnellement, elle sera une meilleure épouse et une meilleure maman. Ensuite, il faut s’organiser. Chaque semaine, nous faisons le point sur nos agendas. Il faut aussi savoir lever le pied. Je ne dis pas oui à tout, peu importe le prix que l’on me propose. Je garde toujours du temps pour passer du temps avec ma famille.
Que pensez-vous que la cuisine africaine puisse apporter à la cuisine européenne ? que vous ont apportées vos aventures culinaires en Afrique ?
Les cuisines africaines ont beaucoup à enseigner. En Europe, le sans gluten" est à la mode, nous, nous connaissons le "sans gluten" depuis toujours. La cuisine santé redevient tendance, chez nous, c’est le mode de vie dans les villages, car beaucoup n’ont pas les moyens d’aller à l’hôpital et se soignent d’abord par leur alimentation. Les saisons ne sont plus respectées, juste pour satisfaire le client, or en Afrique, si ce n’est pas la saison des mangues, personne n’est choqué de ne pas en trouver et d’attendre la saison des mangues pour en manger. Ainsi nous respectons encore la nature. On est obligé de faire de la pub pour encourager le consommateur à acheter des légumes moches et pas calibrés, chez nous, tant que c’est bon on achète. Nous avons de nombreuses épices inconnues ou mal connues, sous exploitées. Toutes ces raisons prouvent bien que nous avons des choses à enseigner aux autres cuisines.
Les formations culinaires ne sont pas toujours accessibles à tout le monde, que conseillez-vous à un(e) jeune passionnée de cuisine ?
Quelqu’un qui a un compte facebook ou instagram, ne peut pas me sortir ce genre d’argument. Il y a de nombreuses formations gratuites en ligne, même en cuisine et pâtisserie. Il y a des blogs, des vidéos et des contenus qui permettent d’apprendre sans débourser le moindre centime, si ce n’est les frais de connexion à internet. J’ai commencé ce métier quand j’avais 14 ans, je ne connaissais qu’une recette de gâteau au yaourt apprise avec ma mère. Cette même recette, je l’ai déclinée en gâteau au chocolat, en gâteau marbré, etc... et je vendais mes créations dans ma classe. Après ma classe, je vendais dans le lycée, dans le quartier et j’ai eu de l’argent pour payer mon billet d’avion pour venir me former en France. Donc aux passionnés, tout est possible quand on y croit.
Quel est votre plus grande réussite et votre plus grand échec ? Si vous pouviez vous donner un conseil à vos débuts, que serait-il ?
Ma plus grande réussite : mes enfants. Je ne considère rien comme un échec, la vie a des hauts et des bas. Si je tombe, je dois me relever coûte que coûte, si je rate un objectif, je dois comprendre pourquoi et recommencer jusqu’à ce que j’y arrive. Si je pouvais donner un conseil à la jeune Anto d’il y a 20 ans, je lui dirais : « Tu es unique, tu es précieuse, personne ne t’aimera si tu ne t’aimes pas toi-même, tu vaux beaucoup plus que tu ne le penses, accroches-toi! Tu y arriveras ! »
Quelles sont vos futurs projets ?
Nous nous préparons pour la saison Afrique 2020 où différents évènements auront lieu en Afrique et en Europe, pour la promotion des cuisines africaines.