ESIMBI magazine: Votre nouvel album est nommé POLAROÏD EXPÉRIENCE, pourquoi avoir choisi ce titre ?
Youssoupha: Polaroïd expérience, c’est en référence à mes photos d’enfance qui m’ont inspirées pour écrire. Je me revois quand j’étais petit à Kinshasa avec mes cousins, cousines, et ma grand mère Sénégalaise. C’est une période naïve, spontanée, heureuse. On le sent sur les photos. Je voulais cette esprit là dans le disque.
EM: Comment s’est déroulée la préparation de cette album et la participation de votre famille ?
Youssoupha: L’album s’est préparé étrangement. Après les succès de Noir désir et Negritude, j’ai songé à arrêter un peu. Il me fallait un nouvel élan pour ne pas recommencer ce que j’avais déjà fait. Alors, je me suis consacré à la famille. J’ai bougé, un peu travaillé sur le développement de mon label. J’ai signé et produit d’autres artistes, ce qui a beaucoup changé ma perpective. Et cela m’a permis d’avoir les bases de travail pour un nouveau disque.
EM: Quel est l’important message que vous essayez de transmettre à travers votre musique ?
Youssoupha: L’épanouissement personnel. Avant, je demandais aux gens et à moi même de changer le monde. Après, j’ai remarqué que ça ne marchait pas comme ça. Il faut déjà s’améliorer soi même. S’améliorer, c’est rendre le monde meilleur.
EM: Vous avez créé plusieurs chansons qui ont eu beaucoup de succès, quels sont les ingrédients pour qu’un titre cartonne ?
J’ai eu des gros tubes au bout 2 ou 3 albums seulement donc j’ai pas toujours maîtrisé la formule. Je dirais que les formules sont personnelles. Il faut que vos chansons vous ressemblent car les gens ressentent aussi ça. Je ne peux pas faire les tubes de Naza. Naza ne peut pas faire les miens. C’est mieux ainsi. Rester authentique si vous voulez toucher le plus grand nombre.
EM: En 2015, lors d'un interview vous avez prédit l'expansion du LINGALA. Cette langue a été utilisée comme générique de la publicité pour "Expo 2020 Dubai" et la compagne publicitaire de Rihanna pour sa marque Fenty Beauty. Qu'en dites-vous ?
Youssoupha: J’en suis heureux. Cette langue magnifique est sous exploitée. Et c’est de notre faute aussi. On pourrait être de meilleurs ambassadeurs. Si les nigérians ont réussi à imposer leurs patois, on peut faire parler le Lingala au monde.
EM: "Niama na yo" une chanson 100% lingala. Qu’avez vous ressenti quand vous avez fait chanter toute la salle Pleyel avec ce morceau ?
Youssoupha: C’est un défi culturel qui me rend fier. "Niama na yo" est un titre congolais sans concession. Sans doute le plus puissant de l’album. Mon cousin m’a dit " Faire chanter du lingala à autant de monde c’est du « cultural Power ". Je suis fier de participer à ça. Il y’en aura d’autres.
EM: Cette année, Youssoupha fêtera 20 ans de carrière, il y a-t-il quelque chose que vous auriez fait différemment ?
Youssoupha: Je n’ai pas bien fait tout dans ma vie mais je n’ai pas de regrets majeurs. Seulement quelques frustrations où je me dis c’est dommage. Par exemple, quand j’étais très jeune, j’ai fait un titre avec papa Wemba et je ne l’ai jamais sorti. Cela me manque. Peut-être que je le trouverais dans mes tiroirs et je le sortirais.
EM: Quel est votre plus beau souvenir de la scène ?
Youssoupha: Wooooow! Y’en a trop. C’est impossible. Ma vie scénique est trop incroyable pour isoler une date. Cependant, je peux juste dire qu’au Gabon, j’ai eu mon meilleur public. Que si je n’étais pas Congolais, je serais Haïtien tellement l’amour que je reçois sur scène là bas est incroyable. Que le concert que j’ai fait en Mai à la salle Pleyel est mon meilleur concert parisien. Et que le meilleur public de france est en Bretagne. Ah oui, Montréal sur scène c’est aussi un orgasme. Bref je suis chanceux.
EM: Depuis 2009 lors de votre deuxième album intitulé "sur le chemin du retour", il se passe un écart de 3 ans avant la sortie d'un nouvel album. Hasard ou programmation ?
Youssoupha: Franchement hasard. Ou alors, l’horloge interne comme les mamans. C’est ainsi que j’accouche mes disques.
EM: Votre label se prépare pour la deuxième année de African Music Forum, quels sont vos attentes par rapport à cette deuxième saison ?
Youssoupha: Faire encore mieux que la première édition, qui était déjà réussie. Avec plus d’intervenants, plus de corps de métiers de la musique... Plus de participants internationaux, même si le sujet central reste la musique africaine par les africains. Les enjeux autour du buzz de la musique africaine sont culturels et économiques. Il y a même une dimension politico-sociale parce qu’il occupe une place trop importante dans la vie des gens (artistes ou pas).
EM: Comme à Paris, verra-t-on bientôt un studio Bomaye Musik à Kinshasa ?
Youssoupha: Oui, le projet est en cours de finalisation. C’était un projet naturel. L’éclosion d’artistes de notre label comme Gaz Mawete nous motive à investir sur la source. Et la source c’est Kinshasa.
EM: Il y a quelques années, une député du Front National avait déclaré avoir écouté votre musique. Comment l’aviez-vous pris et à quoi avez-vous pensé ?
Youssoupha: Ça m’a fait rire. On m’a dit c’est un coup de communication. Peut-être. Mais en même temps vu son âge, il y a pleins de filles de 30 ans dans mes concerts et le rap est la musique de sa génération. Donc je ne sais pas. Ça me fait juste sourire.
EM: Votre chanson " La foule " a été choisi pour la série de Amazon prime, The boys, parlez-nous de ce projet ?
Youssoupha: Philo a monté une boîte qui s’occupe de ce genre de projet. C’est l’un de nos premiers deal, première collaboration. En terme de business et de création c’est très bon. Et c’est plutôt stylé car la série a un gros retentissement et l’accueil est excellent. Moi, je n’ai même pas encore vu la série ( rires ).
EM: Nous savons que vous êtes fan des séries alors quel est la série du moment ?
Youssoupha: J’en regarde tellement. Mais récemment, je retiens Gomorra. C’est spectaculairement profond. C’est joué à merveille et chaque saison est meilleure que la précédente. Un chef d’œuvre.