MES DERNIERS MOMENTS AVEC PAPA WEMBA…
Nous sommes le Samedi 25 Avril 2016 à Abidjan en Côte d’Ivoire.
Ce soir-là, il était 20 heures quand j’ai rejoins les musiciens à l’hôtel Ibis dans la commune du Plateau, Abidjan. En effet, Le roi de la Rumba et son orchestre Viva la musica, venus respectivement de Paris et Kinshasa 3 jours plus tôt, devaient donner un concert live sur la scène du FEMUA 9, vers 5h du matin en clôture du festival.
Papa Wemba quand à lui, séjournait dans un autre hôtel plus huppé et nous devions tous nous retrouver à Anoumabo avant le spectacle.
Arrivé à l’hôtel, les mains bourrées de friandises pour mes amis musiciens, je restais avec ceux-ci et plus particulièrement Ceda (synthé) et Likayabu (Mbonda) dans leur chambre jusqu’aux environs de 2 heures du matin ou l’équipe du FEMUA viens nous réveiller pour nous emmener sur le lieu du concert, nous y arrivons vers 3h du matin.
Une fois sur place, nous sommes conduits dans les loges des musiciens pendant que Papa Wemba lui est installé dans la sienne juste en face, en compagnie de son Manager Cornely Malongi, et de quelques autres personnes (FEMUA, amis, etc,…).
En attendant notre passage, avec les musiciens nous faisons des photos, discutons et regardons à la télé les autres artistes sur scène.
A un moment, avec Boa vida, Tosha Fulakanda, Benedicte Shutsha, nous retrouvons Papa Wemba et Cornely Malongi dans leur loge.
Papa Wemba donne le répertoire de musique à Tosha, des consignes à Bénédicte pour les danseuses et ensuite nous quittons sa loge pour la nôtre.
Après un verre dans la loge et quelques photos, je me retrouve dehors en train de parler avec Bob Djabusquet, Ceda et Savanet; A un moment, me sentant un peu fatigué je décide de rentrer.
Il est à ce moment 4h moins le quart du matin… je me dirige aussitôt vers la loge de Papa Wemba et retrouve Cornely Malongi. «Vieux, excusez nga po na dérangement na lembi na lingui na kota Palais, na yé ko pessa au revoir » lui dis-je. Et avant même qu’il ne réponde, Cornely Malongi se lève et me dis : « ha petit, tika na vieux awa, bo zela nga na zo ya » et il sort de la loge, me laissant seul avec vieux Bokul.
Je me retrouve donc seul avec Papa Wemba, en débardeur devant sa tasse de thé.
En effet, ce jour-là il était enrhumé, et buvait du thé en attendant qu’on nous appelle sur scène. 20 - 30 minutes après mon arrivée, Papa Wemba me demande de l’accompagner aux toilettes.
Nous sortons et nous dirigeons vers les toilettes ; Je laisse le vieux à la porte de la cabine et retourne attendre dehors ou je retrouve Hortense Assaga de Africa 24 ;
Avec elle, nous parlons d’un projet que le vieux avait, celui d’aller à Kinshasa réaliser un documentaire ou mini film sur sa femme maman Amazone avec Hortense, qu’il appréciait beaucoup.
Papa Wemba ressort, adresse un coucou à Hortense et nous retournons dans la loge.
Il est déjà 4h, et à ce moment le vieux commence à se changer. Il porte son haut D&G, se rajuste vite fait et en 5 minutes il est prêt. Je profite à ce moment encore pour lui faire deux ou 3 photos, et certaines avec lui derrière moi.
Il est tout beau, prêt et reste silencieux quelques minutes. A un moment, je m’avance vers la sortie de la loge pour guetter le signal de Cornely puisque le MC annonçait déjà la montée de Papa et l’orchestre accordait déjà ces instruments.
Après avoir jeté un coup d’œil dehors, je me retourne à un moment et j’ai eu comme l’impression que Papa formulais une prière (ce que j’ai trouvé normal d’ailleurs, avant d’aller travailler), son bracelet chapelet dans les mains (cette image a duré quelques secondes) ; et ensuite il m’a dit: « c’est bon, on peut partir ? » : je n’ai pas le temps de répondre Oui quand déjà il se lève et me remet le sachet qui contenait son nouveau vêtement, je me souviens lui avoir répondu « to ké vieux » et nous sortons de la loge pour nous diriger vers le podium.
Cornely Malongi et Bénédicte nous attendent au pied du podium, Papa monte avec Cornely et Bénédicte et moi courons au bus, récupérer les serviettes de Papa. Le concert a commencé il y a 10 minutes quand nous les rejoignons sur scène. Je me tiens à la droite de Cornely Malongi, à tout juste 10 mètres derrière Papa Wemba.
Cornely Malongi et Bénédicte nous attendent au pied du podium, Papa monte avec Cornely et Bénédicte et moi courons au bus, récupérer les serviettes de Papa. Le concert a commencé il y a 10 minutes quand nous les rejoignons sur scène. Je me tiens à la droite de Cornely Malongi, à tout juste 10 mètres derrière Papa Wemba.
Les chansons « Nani témoin, Analengo, kaokokokorobo » sont interprétées, à la grande satisfaction du public, à qui échappe le fait qu’à 2 reprises Papa Wemba chante hors gamme.
A ces moments, nous (musiciens et Cornely), nous sommes tous regardés Une seconde car c’était vraiment rare sinon impossible que Papa chante hors gamme, comme pour se dire «que se passe-t-il «. En effet, le vieux étant enrhumé et un peu fatigué, nous avons pour la plupart tous pensé que c’était dû à cette dernière et aussi à cause de la chaleur des projecteurs.
Jusqu’à ce qu’on arrive à la quatrième chanson, « est ce que » … interprétée jusqu’au sében et à un moment, Papa s’écroule.
Je me souviens que pendant quelques secondes, l’orchestre continua de jouer, nous sommes restés figés quelques secondes, regardant la scène… Puis voyant les danseuses s’approcher de lui pour le soulever, on me dit « Flamand, leka kuna o mona nini « Cornely était stupéfait, je me dirige vers le vieux.
Tous les chanteurs et danseuses sont autour de lui quand j’arrive; Cris, appels à Dieu et lamentations retentissent. Papa Wemba est à terre sous nos yeux, dans les bras de Bénédicte qui essaie de le maintenir dans une position confortable, pendant que le vieux respire difficilement.
Au constat de la situation, je fais signe des mains à Cornely d’approcher et ce dernier arrive et reste stupéfait, sans pouvoir parler, muselé par la scène.
Pendant ce temps, les techniciens essaient de débarrasser la scène, à vrai dire personne ne sait quoi faire, tout le monde étant surpris…
Quelques minutes après, les agents de la croix rouge nous rejoignent sur scène, en compagnie d’Asalfo et du régisseur Lother Gomis qui, tant bien que mal essaye de donner des consignes pour calmer tout le monde.
La croix rouge s’occupe du vieux pendant que nous autres restons sur le podium, certains pleurent, d’autres cogitent … Je me souviens que Boavida m’expliquait qu’il avait fait un songe pareil quelques jours avant le voyage ;
Nous perdons le vieux de vue, aux mains de la Croix rouge et nous sommes reconduits sous escorte dans la loge pendant que sur le site les forces de l’ordre et la sécurité privée pourchassent les personnes qui filment la scène pour leur retirer leurs téléphones.
Un cordon de sécurité est mis devant la loge et nous sommes priés de rester là jusqu’à ce que le site soit totalement libéré pendant que le bus nous attend dehors pour nous ramener à l’hôtel.
Nous sommes dans la loge depuis 20 minutes. Je tiens ses chaussures en main et avec les musiciens nous ressassons la scène, pensant que la fatigue et la chaleur des projecteurs ont dû jouer un mauvais tour au vieux.
Quand arrive Lother Gomis, il entre dans la loge et demande subitement à tous ceux qui ne sont pas musiciens de Viva la Musica de sortir sur un ton ferme.
Me concernant le Chef d’orchestre Tosha insiste pour que je reste, ainsi que d’autres, mais Lother est ferme !!! En ces termes, « toi aussi, stp sors ! », il me demande de quitter la loge. Tosha me demande d’y aller, je tends les chaussures de Papa Wemba à un des musiciens et je sors, raccompagné par un policier jusqu’au niveau du bus.
Je patiente là, le temps que les choses se calment en attendant que les musiciens sortent. 20 minutes après, la police les escorte jusqu’au bus, et après avoir remis à un musicien ses affaires restées avec moi, je décide de rentrer à la maison.
Il est environ Sept heures moins le quart quand je quitte Anoumabo.
Arrivé chez moi, j’appelle ma copine pour lui expliquer ce qui s’est passé en lui disant même « haa, le vieux là allait venir mourir ici cadeau comme ça ; Dieu merci ils l’ont envoyé à l’hopital, ça va aller d’içi 10 heures » ; le temps de prendre une douche, j’allume la télé et capte la chaine 340 du bouquet Canal, pour ne serait-ce que savoir si déjà à Kin, les gens ont l’infos. Grande est ma surprise quand deux minutes plus tard, je vois une bande annonce disant que Papa Wemba est décédé pendant son concert à Abidjan…
J’ai aussitôt compris la réaction de Lother Gomis, régisseur du spectacle, quelques heures plus tôt, Papa Wemba nous avait quitté…
Adama Tawel CAMARA "Flamand Noir"