Black Lives Matter : Les statues de Léopold II saccagées à Bruxelles

Le décès de George Floyd aura impacté bien au-delà de la frontière des Etats-Unis. Exportés aux quatre coins du monde, les revendications du mouvement Black Lives Matter, ne se limitent plus à la dénonciation des violences policières. Si l’histoire de George Floyd a permis, en France, de remettre un coup de projecteur sur l’affaire Adama Traoré. Les tensions raciales aux Etats-Unis, ont ravivé, en Belgique, la polémique autour du roi Léopold II.   

La pandémie de Coronavirus a remis en cause l’ordre mondial tel que nous le connaissons. L’onde de choc créée par la mort de George Floyd, remet, elle, en cause, le rapport à l’histoire post colonial sur le plan mondiale. La Belgique ne déroge pas à la règle. En date du 2 juin, diverses statues du roi Léopold II ont été saccagées à Bruxelles et dans d’autres villes belges. Le groupe Réparons l’Histoire, a lancé une pétition en ligne, visant à faire retirer les statues de l’ex roi, considéré comme colon sanguinaire, et responsable de la mort de plusieurs milliers de congolais. Si les manifestations contre le racisme en Belgique se passent sans débordements. Ces actes de vandalisme sont l’expression d’une colère, jusqu’à présent silencieuse, qui fera tout pour se faire entendre. Le député francophone bruxellois, Kalvin Soiresse Njall déclare : “Si tout cela arrive maintenant, c’est parce qu’on a tardé à faire ce travail-là. Il y a une colère qui est totalement légitime et je pense qu’il faut se pencher dessus pour éviter les débordements qui sont possibles.”  

Aux Etats-Unis comme en Belgique, l’affaire George Floyd a réveillé la conscience noire sur les effets de l’héritage colonial. Un héritage résumé par cette citation d’Aimé Césaire :  

“Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.” 

Cette citation résume l’héritage colonial mais décrit ce qu’a été le système colonial établi au Congo par Léopold II à la fin du XIXème siècle.  

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Souverain de ce qui a été appelé l’Etat indépendant du Congo de 1885 à 1908, Léopold II est responsable de la mort de millions de congolais. Le roi des Belges, qui possède le Congo, au titre de propriété personnelle, met en place un système sanguinaire, pour exploiter les richesses économiques du pays. Pour s’assurer de l’exclusivité de l’exploitation du caoutchouc et de l’ivoire, Leopold II orchestre depuis la Belgique, le massacre de masse, des tortures et autres châtiments corporels des populations congolaises, dont la plus répandue était la section de la main. De ce triste épisode de l’histoire du Congo, reste des articles de presse. Le quotidien français La Cocarde, publie dans ses colonnes du 28 septembre 1896, un bout de récit des atrocités vécues les congolais.  

“Il n’est question en ce moment dans la presse de toute l’Europe que des atrocités commises au Congo par les Belges. Ainsi la Gazette de Cologne revient sur les récits des missionnaires suédois (…) Travail forcé des indigènes dont les villages sont incendiés quand ils n’apportent pas assez de caoutchouc (le missionnaire dit ne pas avoir vu moins de quarante-cinq villages réduits en cendres) ; mains coupées et fumées pour assurer la comptabilité des cartouches confiées aux soldats noirs envoyés en expédition; terrorisation des indigènes, dont quelques-uns seraient abattus de temps à autre pour l’exemple, par les soldats qui racontent ensuite à leurs chefs les avoir tués parce qu’ils recueillaient du caoutchouc (le missionnaire dit que de ce fait, il y a des preuves innombrables) ; dépopulation, famine, et stérilisation du pays, tel est, d’après la Gazette de Cologne, l’effroyable tableau que tracent les journaux suédois de l’œuvre civilisatrice au Congo.” 

De fait, si pour une partie des citoyens belges, Léopold II est vu comme roi “civilisateur” et “bâtisseur”. Pour l’autre partie, l’ex roi des belges est la figure même du colon exterminateur. Dans la ville de Gang, le buste de l’ancien roi a été cagoulé, aspergé de peinture rouge et marqué des dernières paroles de George Floyd “I can’t breathe”.  

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Réparer l’histoire, va impliquer que les gouvernements aussi bien belges, qu’à l’échelle occidentale, acceptent de bousculer le fondement de leurs institutions, pour répondre aux besoins de justice et de réparations, d’une partie de sa population.