Blackout Tuesday, Georges Floyd, Adama Traoré... Et après ?

Des mois. Cela fait des mois, que de l’ombre à la lumière, nous, noirs, on se bat. Depuis le 25 Mai et la diffusion en masse, des derniers soupirs de Georges Floyd. Un peu partout dans le monde, en Europe, mais particulièrement en France, les noirs, poussés par ce trop-plein d’émotions, ont décidé de se soulever à l’unisson, pour dire non. A l’unisson pour dénoncer la différence de traitement qu’il y a entre les noirs et les blancs, jusque dans le tréfonds des institutions. Plus nombreux que jamais, unis derrière Assa Traoré pour dénoncer les violences policières, on a pu, pour la première fois, mettre des visages sur ces noirs...hommes, femmes, enfants, jeunes, entrepreneurs, salariés, nanties ou modestes, personnalités publiques ou anonymes en construction de son identité. Tous, enfants de la république. Mais qui pourtant, sont, qu’on le veuille ou non, des victimes injustes de la discrimination, quelques fois, parfois, souvent, à longueur de temps...  

Alors avec cet autre visage de la république, on s’est dit, que pour une fois qu’on nous entend, il fallait aller plus loin pour porter nos actions. De la tendance du Blackout Tuesday, à l’initiation de la consommation de produits FUBU (for us by us). Cette fois, c’est sûr, le gouvernement nous entend non ? Et maintenant que lui aussi, admet l’existence du racisme institutionnel, il va à son tour, mettre en place des actions pour les enfants noirs de la république...non ?  

 

Pas de doute, le Blackout Tuesday, les manifestations de soutien à Georges Floyd et Adama Traoré, avec tout ça, personne ne pourra plus renier. Personne ne pourra dire : “c’est bien beau tout ça, mais après...”  

Après ?  

Après, on se retrouve avec des producteurs de musique au visage tuméfié. Après, on se retrouve avec des ministres prêts à voter en faveur de loi, dites, sur la sécurité globale.  

Après ? Après, on se retrouve avec une société encore plus fracturée... 

Sur fond de pandémie, à l’aube d’une crise économique mondiale et sur le point de clôturer le chapitre de l’année 2020, la situation est aujourd’hui, plus tendue que jamais. Pourtant, nous, noirs, une fois que le phénomène est passé, on continue de se battre. Comment et pourquoi ? Ou plutôt, avec qui et contre quoi ?  

Les réponses à ce genre de question, ce sont des affaires comme celles de Michel Zecler qui les apportent.  

 

D’Adama Traoré à Michel Zecler : pourquoi la France peine à tout stopper ? 

La récidive est un fléau français que la justice a du mal à appréhender. La diffusion, le 26 Novembre dernier, de l’enquête du média Loopsider, sur le passage à tabac d’un producteur de rap dans le 17ème arrondissement de Paris, ne montre pas qu’une répugnante injustice. Mais aussi, l’incapacité des institutions de la république à éradiquer, le racisme qui siège dans ses rangs. Pourtant, cela fait des mois, des mois que la voix des afro-descendants se fait entendre pour dénoncer, ces types d’interpellations, reflet de ce virus nommé, racisme, qui corrompt la police. L’affaire Zecler, pointe une nouvelle fois le doigt sur ces violences policières, qui touche beaucoup trop souvent, la face noire de la population française. Sans ses caméras de vidéo-surveillance, Michel Zecler, ne serait pas vu par l’opinion publique comme la victime d’abus, mais plus probablement comme un dangereux délinquant, ayant intenté à la vie de vaillants policiers. Une interprétation, qui malheureusement, colle toujours au frère d’Assa Traoré.  

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Comment expliquer la difficulté qu’à la société française à reconnaitre le mal dont elle souffre. Car lever le voile sur le racisme institutionnel, ouvertement l’ébranler, que l’on se nomme Assa ou Emmanuel, qu’importe, ça ne passe pas.  

Pourtant, c’est en bon diplomate que le président de la République a évoqué le problème de racisme au sein de la police, dans l’interview accordée au média BRUT, ce samedi 05 décembre.   

“Aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé (…). On est identifié comme un facteur de problème et c’est insoutenable.” Ainsi, Emmanuel Macron, reconnait ne pas avoir réussi à régler “le problème des discriminations.”  

Un constat qui n’est pas du tout du goût des syndicats de police qui appellent à ne plus faire de contrôles d’identités. Et c’est précisément, ce type d’insurrection puérile qui freine la possible évolution des institutions.  

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Racisme flouté, société déchainée !  

Malgré un début de reconnaissance, l’inactivité du gouvernement, longtemps dénoncée, se mue en maladresses répétées. Maladresse incarnée par l’article 24 de la loi de sécurité globale. Entre le marteau et l’enclume. Voilà la situation dans laquelle se trouve le Président de la République et son ministre de l’Intérieur.  

Insinuer de manière subtile que les voyous peuvent être vêtus d’une tenue bleue et d’un écusson tricolore brodé RF. Tout en voulant retirer au citoyen, la seule arme qui pour l’instant le protège de finir, écroué en prison, est bien une stratégie maladroite.  

Les manifestations violentes se multiplient, les esprits s’échauffent, la colère gronde dans les rangs de la police. Le tout, parsemé d’un climat de violence, qui nourrit le chaos et l’incompréhension de tous les protagonistes de la république.  

Aujourd’hui, la tendance est passée de balance ton porc à balance ton poulet. La stigmatisation a changé de camp, et pourtant, les violences à l’encontre des minorités sont encore qualifiées de “microphénomènes” par certains. Et la question demeure.  

Blackout Tuesday, Michel Zecler agressé, mort de Georges Floyd et Adama Traoré... et après ?  

 

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Tribalisme : Les guerres ethniques tuent-elles l'Afrique ?

L’histoire a pour but de permettre aux acteurs qui la vivent de tirer des leçons des expériences passées pour construire un meilleur avenir. Les stigmates laissés par les épisodes sanglants sur lesquels les nations africaines ont été bâties, devraient être, un gage de mémoire suffisant. Pourtant, il y a toujours une période charnière qui ébranle cette croyance. La période électorale. Bien souvent, c’est le moment que choisissent les fantômes du passé pour resurgir et semer le trouble dans la tête des citoyens. Plaçant l’ethnie, au cœur des débats de restructuration nationale.  Pour beaucoup, le tribalisme est sans conteste, l’un des freins à l’essor africain, car, instrument fatal en politique. Soudan ou Somalie, Cameroun ou Burundi, tous ces pays, à leur échelle, ont été, ou sont toujours fragilisés par l’ombre des guerres ethniques. Comment expliquer qu’encore aujourd’hui, les conflits interethniques, soient un si terrible enjeu dans la construction des nations africaines ?  

Après 15 ans à la tête de la plus haute fonction de l’Etat du Burundi, Pierre Nkurunziza, décède à l’âge de 55 ans. Un mois, avant la fin de son mandat. Cette disparition soudaine et inattendue, pose la question des conditions d’installation du nouveau gouvernement. Marqué par 10 ans de guerre civile et encore affligé par la violence des élections de 2015. Le Burundi, doit relever sous les yeux du monde, l’un des plus grands défis de son histoire politique. Installer un nouveau gouvernement sans placer l’origine ethnique au cœur des débats. Car si tout a été mis en place pour l’investiture du général Evariste Ndayishimiye, jeudi dernier. Les tensions régnantes à l’intérieur même du parti politique, laisse planer l’ombre d’un nouveau massacre ethnique.  

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La réalité du tribalisme dans les problématiques sociales, a heurté un autre pays africain. Le Cameroun. Bien loin d’avoir le même passé écorché que le Burundi ou le Soudan, la question de l’identité ethnique s’est pourtant retrouvée au centre des débats politiques en 2019. Une vague de stigmatisation qui trouble les populations et engendre des dérives désastreuses sur le plan de l’identité citoyenne...  


Guerres ethniques en Afrique : Problème civil ou instrumentalisation politique ?  

En Afrique comme ailleurs, l’élaboration des frontières s’est faite dans une effusion de sang. La marque indélébile laissée par la période coloniale, a plongé les Etats Africains dans la confusion au moment de l’indépendance. Cette responsabilité de le colonisation européenne, a fait l’objet d’une enquête au Burundi. Depuis son indépendance en 1962, les conflits interethniques que connait le pays, ne sont que les conséquences de la gestion territoriale et politique établis par l’Allemagne puis la Belgique, sous Léopold II. A ce sujet, le ministre de la justice burundaise déclarait alors : “Le constat est que l’origine des violences cycliques à caractère politique qui ont endeuillé le Burundi, remonte au temps de la colonisation.” 

Établir la responsabilité de la colonisation européenne dans “la création et l’exacerbation des problèmes éthiques et des violences” qu’elles engendrent, auraient dû être la base de travail de chaque Etat africain. Le hic, c’est que dans leur volonté de se réapproprier leur pays, les figures d’alors, ont été dans une démarche de continuité en matière de gestion politique, économique et foncière. Une méthode qui a fait naître chez les civils un ressentiment qui s’est peu à peu cristallisé par ce qu’on appelle l’ethnicisation.  

Une ethnicisation politique qui crée de fait, un fossé entre les différentes communautés et nourrit le problème au sein de la population. 

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Guerres ethniques en Afrique : L’impossible “construction nationale” ?  

Dans ce contexte social de stigmatisation ethnique, comment réussir à construire une unité nationale stable au sein des nations africaines ? En mai dernier, l’assassinat du Colonel Bitala Madjoulba, au lendemain de la réélection du président, Faure Gnassingbé, au Togo, prouve à quel point le problème du tribalisme pèse sur les jeux politiques. Et c’est là, que réside l’enjeu de la construction nationale. L’homme politique franco-togolais, Kofi Yamgnane avait d’ailleurs dénoncé, au journal IciLomé, le silence du président élu face à cet assassinat, redoutant la montée en puissance du tribalisme.  

“Faure Gnassingbé, pas plus que ses militaires, ses centaines de conseillers, n’a tiré aucune leçon du drame que le Rwanda a connu, et avant lui l’Afrique du Sud. (…) Le silence de Faure Essozimna Gnassingbé et sa décision de remplacer immédiatement un chef de corps issu de l’ethnie Nawdba par un officier de sa propre ethnie” est selon Kofi Yamgnane, un signe de danger imminent fragilisant la stabilité au Togo. Il poursuit : “Le jour où les autres ethnies s’uniront contre Faure et la sienne, le monde se réveillera avec un goût de sang à la bouche. Une guerre ethnique au Togo, comme semble le souhaiter Faure, sera une catastrophe immense, non seulement pour le petit Togo, mais elle enflammera le continent tout entier...”  

Au Togo, comme ailleurs sur le continent, faire croire à un peuple qu’il est dissemblable et inférieur, à cause des tribus qui la compose, c’est alimenter la fracture sociale et nationale.  

Pour effacer la marque de l’héritage colonial, l’Afrique doit se souvenir que son atout principal se trouve dans la diversité de ses richesses tribales.