Chrystal Marcel : "Un entrepreneur est un grand rêveur qui va au bout de ses rêves"
/Christel Marcel, surnommée Chrystal, a bâti sa carrière dans le milieu de l’audiovisuel et plus précisément du casting, de manière progressive. On pourrait presque dire que cette entrepreneuse, reconnue pour ses compétences et ses qualités humaines, est tombée dans la marmite depuis petite. Très appréciée de ses partenaires et des plus grands influenceurs et célébrités de la scène artistique française, Chrystal a accepté de revenir sur ce qui fait d’elle, la femme influente qu’elle est aujourd’hui, dans portrait d’entrepreneur, pour Esimbi Magazine.
Esimbi Magazine : Présente-toi aux lecteurs d’ESIMBI MAGAZINE ?
Chrystal Marcel : “Alors, moi je suis chrystal, directrice de casting depuis plus de 10 ans, et grande passionnée de la vie. J’adore découvrir des nouvelles choses. Mais je suis également une grande passionnée des gens. J’adore découvrir leur potentiel et les mettre en lumière.”
Esimbi Magazine : Comment es-tu rentrée dans ce milieu ?
Chrystal Marcel : “Pour faire court, depuis toute jeune j’adorais partager mes bons plans. Je faisais beaucoup de figuration, pour tout ce qui était sitcoms pour ados, publicités, émissions télés, séries etc... Et j’adorais partager mes plans avec les gens que je connaissais.
J’ai rencontré Kool Shen qui m’a proposé de tourner dans un de ses clips. Il m’a d’abord demandé si je pouvais inviter une dizaine de filles...Puis, une dizaine de garçons. En voyant que je réussissais sans problème, il a fini par me demander : “Est-ce que tu peux inviter 100 personnes.” (rires) J’ai invité les amis, des amis, des amis, et j’ai fait le clip Two shouts for my people, avec une centaine de figurants.
J’ai fait très bonne impression auprès de la boite de production qui s’occupait du montage de ce clip. Ils ont demandé à me rencontrer et c’est comme ça que ça a démarré. J’ai travaillé avec eux pendant deux ans en tant que directrice de casting avant de monter ma propre agence de casting.”
Esimbi Magazine : A tes débuts, quelles ont été les défis auxquels tu as été confrontée ?
Chrystal Marcel : “Les défis, c’était surtout qu’on ne me connaissait pas. J’étais très jeune. J’avais 23 ans quand j’ai monté ma société. A cet âge-là, j’en paraissais 18. Donc, le souci de crédibilité, il était là. Mon focus a été de leur montrer que j’étais performante dans mon métier. Mais surtout, que j’étais passionnée et que je me donnais vraiment à fond.
Je suis aussi quelqu’un d’extrêmement perfectionniste, mon éthique de travail me permettait de leur prouver, qu’il ne fallait pas me juger par rapport à mon âge, mais plutôt par rapport à mes compétences.
Il ne faisait aucun doute que je me défonçais triplement fois plus que n’importe qui, et c’est ce qui m’a permis d’avoir de plus en plus de demande, de très bons retours et de fidéliser mes clients.”
Esimbi Magazine : En quoi ton métier te fait rêver encore aujourd’hui ? Est-ce que tu dirais que “rêver en travaillant” est un élément essentiel pour pouvoir continuer quand on est entrepreneur ?
Chrystal Marcel : “Mon métier me fait rêver et je pense qu’il va me faire rêver encore très, très, très longtemps. Tout simplement parce que chaque projet est différent, chaque émission, chaque tournage, chaque film, pub etc... Chaque projet est unique, et à chaque fois, ce sont des nouvelles personnes que l’on doit trouver.
Hier encore, j’étais sur le tournage d’une publicité pour AIDS. Et, c’est typiquement, dans ce genre de moment, que tu te dis intérieurement que t’es utile. C’est toi qui permets aux gens de réaliser leurs rêves et d’être en lumière. Et c'est çà mon métier. C’est de permettre aux gens de briller, de vraiment montrer leur talent, de gagner en assurance et surtout de changer des vies.
Et c’est aussi ça, être entrepreneur. Rêver en travaillant, oui. Mais accomplir ses rêves surtout. Concrètement, pour moi, un entrepreneur, c’est quelqu’un qui a des rêves et qui les accomplit. Quelqu’un qui n’a pas de rêves, ce n’est pas un entrepreneur, ce n’est pas possible.
Un entrepreneur est un grand rêveur qui va au bout de ses rêves et qui les réalise.”
Esimbi Magazine : Tu fais partie des rares personnes de la communauté afro-caribéenne à être influente dans ce milieu, as quoi attribue-tu ton succès ?
Chrystal Marcel : “Mon succès, je l’attribue surtout à mon niveau de compétences et à mon travail. Je ne me suis jamais dit en rencontrant un client, ‘bah je suis une femme, je suis noire, je suis jeune et je dois tout prouver.’ Non.
Dans ma tête, c’était, ‘je suis une excellente directrice de casting, je vais leur prouver qu’ils ont raison de me faire confiance et de travailler avec moi.’ Et ce que je pourrais dire aux personnes de la communauté qui souhaitent également se lancer, c’est de ne pas se mettre des freins. Parce que le plus grand frein, c’est nous même. Si on commence nous, à se dire, je suis noire ou je suis une femme, ou je suis jeune, je n’y arriverais pas. C’est l’image que l’on va transmettre aux autres.
Pour moi, il faut qu’on te juge par rapport à tes compétences, ta confiance en toi et ton assurance.”
Esimbi Magazine : Vivienne de Beaufort, directrice de programme entreprendre au féminin de l’Essec business school a dit : “Les femmes ont le complexe de l’imposteur. Elles ont souvent une exigence de perfection que personne ne leur demande.” Qu’en penses-tu ? Et surtout est-ce que tu penses que cet adage pourrait s’appliquer pour les femmes afro entrepreneurs de France par exemple ?
Chrystal Marcel : “Le syndrome de l’imposteur ce n’est pas quelque chose qui s’applique seulement aux femmes afro-entrepreneurs ou aux femmes tout court. Le syndrome de l’imposteur, ça arrive à beaucoup de personnes, à partir du moment où on concrétise quelque chose, et qu’on se dit, ‘oui mais, est-ce que j’ai vraiment le mérite pour’.
Le syndrome de l’imposteur, c’est un peu comme la solitude de l’entrepreneur, c’est quelque chose par lequel on passe forcément. Il faut juste réussir à se dire, qu’à partir du moment où tu as réussi quelque chose, il n’y a pas lieu d’avoir le syndrome de l’imposteur, même pour une femme noire. A partir du moment où tu maitrise ton art, tu le maitrise, point barre.”
Esimbi Magazine : Comment penses-tu que les femmes d’origines afro qui nourrissent l’ambition de travailler dans les médias, devraient appréhender les challenges qui les attendent ?
Chrystal Marcel : “Pour moi, tout vient de l’image que toi-même tu reflète. Si dans ta tête tu te dis, mince je suis noire, ça va être plus compliquée pour moi, quand tu vas voir les gens et que tu vas les démarcher, c’est l’image que tu vas leur donner. Avant d’être une entrepreneuse, avant d’être une winneuse, avant d’être accomplie, ce que tu vas donner comme image, c’est regardez-moi, je suis noire. Non. En quelques secondes, il faut que les gens voient au travers de ta couleur. On est tous différents, et Dieu merci.
Il faut assumer la personne que tu es dans ton entièreté et surtout avoir confiance en toi et en tes compétences. Je me répète sur ça, mais pour moi c’est vraiment, le plus grand obstacle que les personnes peuvent avoir. Une femme qui a confiance en elle, personne ne pourra la déstabiliser.
Peut-importe le contexte de notre société. Les personnes de la communauté doivent se dire, ‘je suis entrepreneur et je suis compétent dans ce que je fais’. Et c’est l’image qu’ils donneront aux autres.
Moi, je me suis toujours considérée comme chanceuse d’être noire. Je remercie Dame Nature, je remercie mes parents, je remercie Dieu.
Malgré la conjoncture actuelle de notre société, on doit se dire que dans la vie, il faut se battre, et ça, quel que soit nos armes.”
Esimbi Magazine : De quoi es-tu le plus fière aujourd’hui quand tu regardes ton parcours ?
Chrystal Marcel : “Malgré les difficultés et les aléas que peut rencontrer un entrepreneur, et bien, je suis toujours là. Il ne faut pas s’imaginer que quand on est entrepreneur, tout est rose, tout est beau. Non. Être entrepreneur, ça signifie avoir des hauts, des bas et parfois des très, très bas. Du coup, quand je regarde mon parcours, ce dont je suis le plus fière, c’est forcément de n’avoir jamais lâché.”
Esimbi Magazine : Quand on est une femme ambitieuse et à succès comme toi, on reçoit souvent des critiques sur la manière de gérer sa carrière ou le fait de délaisser le côté personnel – Comment tu concilie ta vie de femme avec celle d’entrepreneur ?
Chrystal Marcel : “Le nombre de fois où j’ai entendu ‘mais toi tu es carriériste’. (Rires) Alors, que pas du tout. Je suis ambitieuse, certes. J’aime faire mon travail passionnément, mais j’aurais pu être salariée et faire mon travail tout aussi passionnément. Ce n’est pas parce qu’on est entrepreneuse, que toute notre vie est destinée à la carrière professionnelle. Je sais garder du temps pour ma vie privée, mes proches, et ma vie sociale. Ce qui est mon équilibre d’ailleurs. Il y a ce stéréotype en société de : la maison, le mariage, le bébé, le travail. Mais à côté, ce n’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est d'être heureux, tout simplement.
Pour les femmes à qui l’ont fait souvent sentir ce sentiment de culpabilité. Il faut se dire qu’on aura tout le temps ça. Pointer du doigt, ce que vous n’avez pas est une manière pour les gens de se rassurer, sur leurs propres failles. En réalité, il se peut que vous soyez dix mille fois plus heureuse dans votre situation, sans maris ou enfants, qu’eux, mariés avec des enfants.
Pour ceux qui ont l’habitude de faire des commentaires négatifs comme ça, envers les femmes, jugées trop ambitieuses. Je dirais une chose. Avant d’appuyer sur ce que la personne n’a pas. Essayez de vous concentrer sur ce qui la passionne vraiment. Et là, vous aurez toutes les réponses, du pourquoi, elle n’a pas certaines choses dans sa vie.”
Esimbi Magazine : Après plus de 10 ans dans ce milieu quelles sont tes ambitions aujourd’hui ?
Chrystal Marcel : “Mes ambitions aujourd’hui, c’est de développer l’agence au niveau international. Je pense que le tour de la France, je l’ai fait. J’ai vu des pays, où il n’y pas d’agence de casting. Je veux me concentrer sur le développement de l’agence dans ces différents pays, et prendre beaucoup de plaisir à le faire.”
Esimbi Magazine : Pour terminer, avec ton expérience et l’avenir qui le nôtre aujourd’hui, si tu avais un conseil à donner aux femmes afro-caribéennes entrepreneurs de France et d’ailleurs, que leur dirais-tu ?
Chrystal Marcel : “Pour toutes les femmes qui souhaitent devenir entrepreneur, je vous dirais que si jamais vous voulez créer, dans cette période de COVID, dites-vous que cette période nous permet de voir qu’il faut tout digitaliser. L’avenir est dans le digital. Pour celles qui ont déjà entrepris, au lieu de se dire, mince c’est la catastrophe. Essayez de voir comment vous pouvez dès maintenant digitaliser votre commerce. Vous êtes un institut de beauté. Proposez des formations en ligne, ou des conseils beauté à la maison, et vendez vos produits en ligne, par exemple.
A titre personnel, c’est ce que j’ai fait avec ma société. Je fais désormais les castings en ligne. Il faut savoir prendre les difficultés comme des opportunités. Voir comment vous pouvez amener votre entreprise à se développer. Digitaliser son entreprise, c’est une façon beaucoup plus simple de pouvoir la digitaliser partout dans le monde et donc surtout, de toucher un plus large public. Pour moi l’avenir de demain, c’est le digital.”
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