Lilian Thuram dénonce les catégories dans La pensée blanche

L’ancien footballeur international a publié un essai dans lequel il analyse la construction d’une pensée blanche dominante au cours des derniers siècles.

“Qu’est-ce que c’est “être blanc””, “Avez-vous déjà vu une personne de couleur d’une feuille de papier blanc ?”, “A quel âge devient-on blanc ?” Ce sont les questions que se pose Lilian Thuram dans son nouveau livre La pensée blanche, paru aux éditions Philippe Rey le 1er octobre 2020. “La pensée blanche” est un terme qui revient à plusieurs reprises dans cet ouvrage. A travers ce livre, l’ex-footballeur international et président de la Fondation Education contre le racisme, veut “mettre en lumière des pans de l’histoire négligés, voire ignorés, qui ont pourtant construit l’identité blanche”. Mais sans pour autant “condamner le racisme en des termes généraux.”

Dès son arrivée en France au Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine, Lilian Thuram est confronté au racisme. A l’âge de 9 ans, le futur footballeur international se fait insulter de “sale Noir” par ses camarades de classe de CM2. Une blessure toujours ancrée dans la mémoire de l’ancien champion du monde 1998 qui a fait partie de la génération “black, blanc, beur”. Lilian Thuram réalise alors qu’il est entré dans une catégorie, celle des “Noirs”. En y repensant, l’auteur s’aperçoit que les gens ont la conviction que les Noirs sont inférieurs aux Blancs. Autrement dit : “Etre Blanc, c’est mieux.”

L’auteur se souvient même d’une étonnante discussion avec son second fils footballeur, Khephren. Il lui demande : “Mon chéri, tu es le seul noir de ta classe ? Son fils répond : “Mais papa, je ne suis pas noir, je suis marron.” Son père reprend : “Ah bon ? Et les autres de ta classe sont de quelle couleur ?” “Ils sont roses”, conclut alors le fils.

“On ne naît pas blanc, on le devient”

Ce livre, comme aime à le dire Lilian Thuram au regard de ses interviews à ce sujet, ne renvoie pas à la “pensée des Blancs”. L’ancien footballeur veut mettre l’accent sur le fait que, le “blanc” n’est pas une couleur de peau. C’est une pensée. Autrement dit pour l’auteur : “On ne naît pas blanc, on le devient”, en emprunt à la célèbre phrase de la philosophe Simone de Beauvoir : “On ne naît pas femme, on le devient.”

Pour expliquer cette “pensée blanche”, Lilian Thuram remonte le temps en faisant un détour par l’Histoire. C’est elle qui “apporte un éclairage précieux qui permet de comprendre, par la connaissance des évènements du passé, notre présent et de construire notre futur”, explique l’auteur dans son livre. Un tableau va justement l’aider à construire son raisonnement sur la “pensée blanche”, celui du peintre français Marcel Verdier (1817-1856), Châtiment des quatre piquets dans les colonies (1843). Ce tableau, qui renvoie au XIXe siècle, dénonce la violence de l’esclavage à l’époque.

Un jour au cours de l’année 2019, Lilian Thuram, accompagné de jeunes enfants, se rend au musée d’Orsay à Paris pour voir l’exposition “Le modèle noir”. C’est là qu’il aperçoit donc cette peinture de Marcel Verdier. L’une des organisatrices de l’exposition lui déconseille cependant de montrer ce tableau aux enfants en raison de son côté violent, raconte l’auteur dans son ouvrage. Ce tableau, selon Lilian Thuram, “expose la brutalité absolue, la soumission qui étaient imposées aux Noirs et permet de rendre très concret ce qui, sinon, pourrait sembler théorique à des écoliers du XXIe siècle.

LE TABLEAU DE MARCEL VERDIER : “Le châtiment des quatre piquets dans les colonies” (1843). Wikipedia.

LE TABLEAU DE MARCEL VERDIER : “Le châtiment des quatre piquets dans les colonies” (1843). Wikipedia.

“Ayons le courage d’ôter nos différents masques, de Noir, de Blanc, d’homme, de femme, de juif, de musulman, de chrétien, de bouddhiste, d’athée (…) pour défendre la seule identité qui compte : l’humaine.”

Lilian Thuram dans La pensée blanche.

Sortir des prisons identitaires

Pour Lilian Thuram, les êtres humains intériorisent très tôt le fait d’appartenir à une catégorie, en vue de leur appartenance ethnique. En évoquant ce qu’il appelle dans le livre, le “suicide de la race”, le président de la Fondation Education contre le racisme préconise de sortir des prisons identitaires pour se voir comme des hommes et des femmes souhaitant construire une solidarité. L’auteur conclut son ouvrage ainsi : “Ayons le courage d’ôter nos différents masques, de Noir, de Blanc, d’homme, de femme, de juif, de musulman, de chrétien, de bouddhiste, d’athée (…) pour défendre la seule identité qui compte : l’humaine. Le “Je” c’est “Nous”.”

Ces noirs, premiers à marquer l’histoire !

Pour célébrer notre culture, l’histoire qui fait notre ADN, nous souhaitions nous tourner sur la célébration de qui nous sommes et d’où nous venons. Voici donc un article sur ces noirs qui ont été les premiers à marquer les mémoires.  Nous avons tous entendu parler de Mme C.J Walker, de Ruby Bridges ou encore Rosa Parks. Si, ces afro-américaines, en ont inspiré plus d’un. Pour cette édition, à la rédaction d’ESIMBI, on s’est dit qu’il serait bien de mettre un petit coup de projecteur, sur ces hommes et ces femmes qui ont par leurs actions, ouvert la voie à tant d’autres, ici en Europe.  

 

Les noirs sont talentueux dans de nombreuses catégories. Commençons par la politique. Même si à ce jour, elle reste encore insuffisante, il y a et il y a eu, une forte contribution des élites noires dans les jeux politiques européens. Ici, notre top 10 des hommes et des femmes influents qui ont réussi à faire changer les lois et faire évoluer les mentalités.  

1. Cyrille Bissette (1795-1858) - Était une figure très influente dans la politique martiniquaise. Si les livres d’histoire nous enseignent le nom de Victor Schoelcher, comme celui qui a réussi à se débarrasser de l’esclavage. La vérité est que lorsque Schoelcher voulait maintenir l’esclavage quoi qu’il arrive, Cyrille Bissette se battait pour mettre fin à cette abomination. Le 27 Avril 1848, cet homme, membre du gouvernement de l’Etat à l’époque, signe un décret en faveur de l’abolition de l’esclavage en Martinique..

2. Learie Nicholas Constantine (1901-1971) - A été l’un des premiers grands joueurs de cricket des Caraïbes, mais il est également connu pour son implication politique. Ce qu’il a fait pour la politique et l’égalité raciale au cours de son service au Haut Commissaire du Royaume-Uni, restera et marquera l’histoire des Noirs en Angleterre.

3. Ignatius Sancho (1729-1780) - Toujours dans l’histoire du Royaume-Uni, Ignatius Sancho a été le premier électeur noir britannique reconnu. Né esclave, Ignatius Sancho a reçu une éducation qui lui a permis de devenir un compositeur respecté et un Homme de lettres. En utilisant ses compétences, M. Sancho s’est imposé comme une figure dans le mouvement en faveur de l’abolition de la traite négrière et a pris le droit de vote lors d’une élection britannique.

4. Manon Tardon (1913-1989) - Née à Fort-de-France, Manon Tardon était impliquée comme dirigeante dans la secrète résistance française. À 30 ans, cette jeune femme qui vivait à Paris, décide d’être membre de l’A.F.A.T, forces spéciales de l’armée. Elle était l’une des seules femmes de ces forces spéciales à avoir participé à la défaite nazie.

5. Diane Julie Abbott (1953-Aujourd’hui) - est entrée dans l’histoire en devenant la première femme noire à être élue au Parlement anglais. En tant que pionnière, elle savait à quel point son rôle dans le gouvernement britannique était important. “J’ai rejoint la politique parce que je savais à quel point la vie était difficile pour mes parents et leurs amis. Je savais à quel point la vie des Noirs est difficile en général et je voulais faire quelque chose à ce sujet.”, déclare-t-elle. Elle laisse ainsi sa marque dans l’histoire en s’engageant pour sa communauté.

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6. Wole Soyinka (1934-Aujourd’hui) - est un auteur et un militant politique. Une grande partie de ses écrits concerne l’oppression du gouvernement nigérian et de ses dictateurs sur la population. Il n’a jamais dissocié son engagement politique de son travail. Ce même travail lui a permis d’être le premier Africain à être honoré par un prix Nobel de littérature en 1986.

7. Wangari Muta Maathai (1940-2011) - Autre première africaine à avoir été honorée avec un prix Nobel, Mme Wangari Maathai. Cette politicienne et militante écologiste kényane a été la première femme africaine à recevoir le prix Nobel de la paix, en 2004. “En tant que première femme africaine à recevoir ce prix, je l’accepte au nom du peuple du Kenya et de l’Afrique, et même du monde. Je suis particulièrement attentif aux femmes et à l’enfant. J’espère que cela les encouragera à élever la voix et à prendre plus de places dans le leadership.” déclare-t-elle.

8. Christiane Taubira (1952-Aujourd’hui) - est une femme politique née en Guyane française. Cette ancienne ministre de la Justice est considérée comme une femme de pouvoir, pleine de convictions. Elle rentre dans l’histoire en étant la première femme noire nommée ministre de la Justice en France par Jean-Marc Ayrault. Fière de son passé et de son histoire, Christiane Taubira a été la voix de beaucoup de noirs en France en donnant son nom à la loi qui reconnaît la traite négrière et l’esclavage de l’Atlantique comme un crime contre l’humanité. Pour cela, nous lui disons, merci Mme Taubira.

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9. Blaise Diagne (1872-1934) - Il n’aurait peut-être pas eu de Christiane Taubira sans un Blaise Diagne. Ce Sénégalais né à Gorée, a trouvé sa place dans le gouvernement Français et a été le premier député africain, nommé à la Chambre des députés en 1914.

Les noirs brillent par leur intelligence mais aussi par leur force. Raison pour laquelle, nous avons décidé de mettre en lumière trois noirs qui ont marqué l’histoire par leur combativité. Ce qui a sans doute permis d’ouvrir des portes dans le domaine du sport et de l’armée.

1. Raoul Diagne (1910 – 2002) - Son père était le premier noir à jouer un rôle dans la politique française. Comment n’aurait-il pas pu marquer l’histoire, lui aussi ? Le fils de Blaise Diagne a décidé de poursuivre une autre direction en devenant le premier joueur noir sélectionné en équipe de France de football. Sans lui, il n’aurait jamais eu de Lilian Thuram, N’Golo Kante ou Samuel Umtiti.

2. Amadou Mbarick Fall (1897 – 1925) - Amadou Fall appelé Battling Siki est né au Sénégal et a déménagé en France pendant son adolescence. Siki a toujours eu une passion pour la boxe et a commencé une carrière professionnelle très jeune. Avec la Première Guerre Mondiale, Siki rejoint l’armée Française et prouve sa bravoure pendant les batailles. Après cela, il est retourné à sa carrière de boxe et est devenu le premier Africain à gagner un championnat du monde de boxe. Il est mort à l’âge de 28 ans à New York, abattu par un policier blanc.

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3. Lilian Bader (1918 - 2015) - Née à Liverpool et originaire de la Barbade, Lilian Bader est l’une de ces femmes puissantes qui détruisent les stéréotypes. Son père a servi pendant la Première Guerre Mondiale, alors quand la Seconde Guerre Mondiale a éclaté, Lilian s’est enrôlée dans la Royal Air Force et est devenue l’une des premières femmes noires à rejoindre les forces armées britanniques.

Derrière toutes ces histoires, tant d’autres noms que quelques-uns connaissent... Ira Aldridge, Katucha Niane, Dr Shirley Thompson, Wilma Rudolph, Christina Jenkins, Daniel Hale Williams. Des noirs d’Europe ou d’Amérique qui nous influencent tous par leur force. 

À nous de nous concentrer sur ce qui compte vraiment... la construction de notre avenir par la revendication de notre brillant passé.